Depuis 20 ans que je bourlingue sur les mers du marketing et de la communication, je me suis forgée quelques convictions sur ce qu’est une marque. Et aujourd’hui, si je devais expliquer ce qu’est une marque, je reprendrais cette définition de Jean-Marie Floch, grand sémioticien hélas disparu, qui écrit dans Marketing, sémiotique et communication : « La marque est une parole, prise et tenue. La marque est l’instauration d’une relation. Engagement, caution, promesse ou responsabilité d’une part, confiance, attachement, affection d‘autre part. » D’où ma conviction que la marque est récit.

La marque est récit

En effet, au-delà de ses valeurs fonctionnelles, de ses aspects matériels, la marque permet aux objets de devenir désirables, par un processus de sémantisation, en les dotant de valeurs esthétiques, émotionnelles, affectives, en créant un univers symbolique et un style de vie qui leur sont associés. La marque produit donc du sens en sémantisant le produit.

Sens et essence, histoire et histoires, cohérence et congruence, trame et fil conducteur, émotion et raison me semblent être des éléments clés de la réussite d’une marque. 

Ce sont ces prises de paroles qui créent l’identité de la marque. Comme une parole, la marque se reconnait à une certaine façon d’articuler ses propos et à une certaine façon de penser. Le récit véhicule la promesse et les valeurs de la marque. Il contribue à sa force et son impact.  

A quoi reconnait-on un bon récit de marque ?

Le sociologue Bruno Rémaury dans La marque face à l’imaginaire culturel contemporain, explore les liens qui unissent la marque aux grands récits culturels d’où elle tire sa légitimité. Qui dit récit dit intrigue, identification d’un problème à résoudre. L’intrigue du récit de marque est fondée sur le décalage entre ce qu’a un individu et ce qu’il désire, problème que se propose de résoudre la marque : c’est sa « promesse » ou son « contrat ». Pour mettre en œuvre ce contrat, elle doit faire valoir ses compétences, son expertise, sa vision, ses valeurs. Le contrat de marque doit donc articuler une dimension fonctionnelle liée à des valeurs d’usage et une dimension émotionnelle liée à des valeurs de vie.

J’aime bien cette idée de contrat, d’engagement. J’y reviendrai d’une manière plus générale dans un article ultérieur. 

Le récit de marque, de la figure du créateur et de la rhétorique est donc un dispositif de mise en exception, qui permet à la marque d’échapper à la standardisation. La spécificité du récit de marque réside dans l’aspect positif et simplificateur de la proposition narrative, l’idée étant de créer une relation de proximité, de facilité entre le produit et le consommateur.

Quelles trames peuvent tisser les marques ?

Les récits de marque peuvent être liés au temps et au lieu et se rapportent souvent à la question des origines, des évènements, mythologiques ou réels, du terroir et des territoires. Ils s’inscrivent dans une logique d’authentification temporelle ou géographique. 

Les récits liés à un personnage peuvent faire appel à un archétype, une figure identitaire qui incarne la marque, un héros admiré ou craint dont la présence symbolique et la notoriété viennent soutenir la marque. 

Les récits liés à un savoir-faire parlent de la maîtrise d’une technique par la marque et œuvrent ainsi à mettre à disposition du consommateur à travers le produit, un vecteur de facilitation matérielle. 

Les récits de marque liés à la filiation et à la saga familiale, aux racines et à la transmission générationnelle qui intègrent les dimensions de patrimoine et de modernité dans une optique de permanence et transformation. 

Et vous, quels sont les récits de marque qui vous inspirent ?

Voilà pourquoi, persuadée que le récit « exprime » la marque, quelle qu’elle soit, corporate ou commerciale, je fais partie de ceux qui revendiquent avec vigueur une approche par l’écriture et par le récit pour imaginer la stratégie de marque de l’entreprise. A bon entendeur…