Je ne sais pas vous mais moi, quand j’entends le mot ouverture, je pense tout de suite à Jean-Claude Dus dans les Bronzés … Et dans un contexte de confinement, quand Dorothée de Linares, fondatrice d’IKatu, m’a proposé ce thème, je me suis dit, éventuellement… on pourrait envisager de conclure ?! Blague à part, je vous invite à ouvrir vos yeux pour lire cette interview qui ouvre un monde de possibles.

 

Pourquoi ce thème de l’ouverture ?

J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs vies et qu’il m’en reste beaucoup d’autres à vivre. Il y a peu, j’ai ouvert une grande porte vers une vie que je recompose à ma main au travers de multiples identités : entrepreneure, écrivaine, femme, amie, mère de famille. J’avais envie de parler d’ouverture dans un contexte où nous pouvons nous sentir enfermés, pour ouvrir une fenêtre à d’autres possibles.

Comment définirais-tu l’ouverture ?

Pour ce qui est des définitions, je regarde dans le dictionnaire. L’ouverture c’est d’abord une action, un mouvement « l’action de déplacer et d’ôter ce qui rendrait un espace clos et inaccessible ». C’est aussi l’endroit par lequel on passe, une porte, une fenêtre, une brèche. En y réfléchissant plus avant, je réalise que j’ai toujours craint d’être enfermée, d’abord dans mes études, puis dans une entreprise, dans une voie toute tracée pour moi. 

L’ouverture c’est aussi l’ouverture d’esprit, l’ouverture sur les autres qui me semblent vitales pour faire société, entreprise, humanité. L’ouverture d’esprit, je l’ai développée en déménageant souvent, en rencontrant des personnes très différentes, en trouvant des affinités dans la différence. L’ouverture d’esprit, c’est aussi l’ouverture par la culture qui devient d’autant plus naturelle qu’elle s’ancre dans l’enfance. C’est la raison pour laquelle j’ai un engagement associatif fort, notamment auprès des enfants de l’école de mon fils. Dans notre quartier de mixité sociale, c’est une expérience très enrichissante de voir des enfants s’émerveiller devant une œuvre d’art, être embarqués par le récit d’un écrivain, bref de construire un rapport au monde différent, s’ouvrir à des possibles. Avec un collectif de parents, d’entreprises, d’enseignants, d’associations, de retraités, nous avons un projet de « rue aux enfants » pour qu’ils puissent s’approprier l’espace public. La collaboration intergénérationnelle, interdisciplinaire est une forme d’ouverture d’esprit.

Dans mon activité de conseil aux entreprises, l’ouverture est un de mes moteurs. Sur des thématiques de ressources humaines, ce qui m’intéresse c’est d’ouvrir le recrutement, sortit d’une logique de clonage, réfléchir à la manière de faire entrer de nouvelles richesses dans l’entreprise. Je vois l’entreprise comme un organisme vivant qui, pour se développer, doit s’ouvrir pour s’inspirer de son environnement.

Que permet cette ouverture que tu évoques ?

Les mots qui me viennent sont inspiration, complémentarité, collectif. L’ouverture à la différence permet de créer la complémentarité. L’ouverture, au sens de déplacement, permet de prendre de la hauteur, pour construire une vision porteuse de sens.  L’ouverture au sens de décloisonnement permet la création de synergies. Un bon manager est celui qui fait travailler ses équipes ensemble, en prenant en compte les différences d’objectifs, de mode de fonctionnement, de culture de chacun pour les intégrer au service du développement de l’entreprise. Un bon manager a une posture d’ouverture, de dialogue et de compréhension de la valeur ajoutée de chacun.

Que t’a permis ton ouverture dans ta vie professionnelle ?

Comme je n’étais pas fixée sur un déroulé de carrière, j’ai vécu des changements de postes qui m’ont beaucoup enrichie. Cette ouverture m’a permis d’aborder avec confiance chacune de ces mobilités car j’ai développé une capacité à me projeter dans des projets différents et surtout ma capacité à innover. Quand je me suis tournée vers l’entreprenariat après 20 ans de salariat, j’ai procédé par petits pas de côté, en étant accompagnée par un coach, pour ouvrir la porte du changement.

L’ouverture se cultive-t-elle ?

Personnellement, je la cultive par la fiction, par la lecture. C’est ce qui me plait dans l’écriture. La fiction permet de s’ouvrir à la réalité à travers des histoires. Je la cultive également par la rencontre avec les autres. Même si je trouve pesante la période actuelle, le numérique permet une ouverture sur le monde extraordinaire.  Ce week-end, je vais assister à des conférences du Festival des idées. Je trouve cela incroyable. Et puis, bien sûr, le voyage permet de cultiver l’ouverture car il nous met face à l’altérité, nous invite à vivre des expériences différentes.

En quoi l’ouverture vient nourrir ta pratique professionnelle ?

Dans mon rôle de conseil, j’apporte à mes clients un regard extérieur, ouvert sur le monde. Je les aide à ouvrir des barrières. Le propre d’un bon recruteur est de conscientiser ses barrières, ses biais cognitifs pour aller au-delà des stéréotypes. Il y en a encore un certain nombre associé au fait d’être une femme. Je me souviens encore de petites phrases qui m’ont heurtée et m’ont fait comprendre qu’il restait encore beaucoup de portes à ouvrir, y compris auprès d’autres femmes.

L’ouverture m’a aidée à passer des moments plus difficiles, à avoir une compréhension plus large des situations. Mais il y a quand même un revers à la médaille : l’ouverture rend parfois difficile le choix, car elle induit une forme de renoncement.

Qu’as-tu envie de nous partager en guise de conclusion…et d’ouverture ?!

J’ai fait beaucoup de probabilités dans la vie. La notion d’univers des possibles m’est restée comme quelque chose de poétique, qui symbolise les opportunités. J’ai envie d’inviter chacun à trouver la brèche, à ouvrir la fenêtre pour bien aérer, rester en bonne santé. Et puis à agir, à essayer des choses par petites touches, car le chemin se construit à petits pas.